• Don Camillo et les cloches folles.

Le prêtre de ce gros village du Nord des Landes (village et prêtre dont nous ne citerons pas les noms pour éviter toute polémique juridique), a tout de la dégaine de Don Camillo, en plus jeune et peut-être en moins débonnaire. Vous pourrez le rencontrer parfois, dans les rues, se dirigeant à la nuit tombée vers son presbytère, en soutane noire et à l'allure volontaire
(oui, la nuit tombée, tout ça, c'est pour que l'on rentre à fond dans l'ambiance).

Il y a plusieurs mois, il semblerait que l'un des éléments du système actionnant la sonnerie des cloches soit tombé en panne. Cette panne providentielle amorça le début d'une période d'un très grand soulagement pour certains habitants de la commune qui trouvaient que le curé avait parfois la main lourde et le volume abusiment sonore, question sonnailles dingdonguesques à toute heure.
Quelques mois s'écoulèrent donc, apaisés, probablement le temps qu'un financement soit trouvé pour réparer le truc à bouger les cloches défectueux.

Et puis, récemment, ces cloches ont de nouveau fait entendre leurs chblooongs, sans discontinuer, du très, très tôt le matin à sans arrêt dans la journée.
Pour certains, ce fut intolérable. Un commerçant commenta la chose en déclarant d'un air étonné : "il nous fait quoi, là ?".
On ne sait pas si des protestations sont parvenues à la Mairie, mais de toute façon, la Municipalité n'aurait que très peu de chances de faire taire les cloches folles. Pourquoi ?

• Le couillon de citadin.

Donc, pourquoi les cloches peuvent-elles sonner comme elles le veulent, quand elles le veulent, au volume qu'elles auront choisi ? Eh bien, c'est un peu à cause de l'aventure très médiatique du "coq Maurice", sur l'île d'Oléron. L'histoire de ce gallinacé, que vous retrouverez sans peine sur Internet, a engendré une loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. Cette loi, déposée par le député UDI Pierre Morel-à-l’Huissier, a eu pour objectif "de préserver le cadre de vie rural face aux plaintes grandissantes de certains vacanciers et néoruraux".

En gros, l'idée à peine cachée, c'était : "ces couillons de citadins qui ont acheté des résidences principales ou secondaires chez nous, ils nous emmerdent. Ils ne vont pas empêcher les cloches du village de sonner nuit et jour et le coq du voisin de hurler comme un dément".
En résumé, mais c'est à peu près ça.

- Photos Internet Freepng
Montage PINSPON sans IA -

Donc, sachez qu'on n'a plus le droit de porter plainte contre les bruits faisant partie du patrimoine sensoriel. La plainte ne sera pas recevable.
Oui, oui...
A part que dans un village, il n'y a pas que des couillons de citadins, on y trouve aussi les habitants du village en question.
Alors, quand on se lève le matin pour aller bosser par exemple dans une ville éloignée, on a besoin de dormir. Et si on veut faire la grasse matinée le week-end venu, ce qui est une chose très positive car ça repose de la semaine, alors on a aussi besoin de dormir.
Du coup, dans ce contexte, le coq devient franchement pénible et les cloches sont envoyées au diable, ce qui est un comble pour des cloches, convenez-en.

...en y réfléchissant bien, c'était peut-être bien une loi populiste pour caresser l'électeur rural dans le sens du poil, ou plutôt de la plume. Auraient-ils osé ?

• Malvenu.

Il serait malvenu ici de critiquer une cloche qui sonnerait gentiment toutes les heures, c'est presque rassurant, bien que le nombre de catholiques au mètre carré ait tendance de plus en plus à avoisiner le pas beaucoup du tout.
Il serait aussi malvenu de s'en prendre à l'agriculteur du coin qui était là bien avant vous. Quoiqu'on en dise, vous aviez le choix de ne pas venir vous installer là, surtout si c'est une résidence secondaire.
Quoi que... quand il s'agit de l'habitat principal et qu'on a pas trop d'argent, on s'installe où l'on peut. Les très riches n'ont pas de souci de nuisances sonores en général.

"Donc, il n'est plus permis de porter plainte contre les bruits faisant partie du patrimoine sensoriel. La plainte ne sera pas recevable".

- Photo Wikipédia -

Incendie de notre Dame : a-t-on envisagé la piste d'un individu qui aurait été excédé par le bruit des cloches de la cathédrale ?
Que fait la police, enfin ?

Cela dit, à l'inverse, il n'est pas malvenu de dire que si un industriel local double d'un coup ses surfaces d'exploitation à portée de bruit d'un village, on peut comprendre qu'il y ait de l'agacement dans les environs. Un complément de loi paru en 2024 soumet ce cas de figure aux juges quand ça arrive.
Car même s'il était là avant, le fait qu'il y ait modification de l'entreprise change la donne.