Papeterie de Biganos :
 
  De quel droit ça pue ?  
     
  En plein cœur de Biganos, l'usine à papier Smurfit (anciennement La Cellulose du Pin), pourrit la vie de toute une zone.
Et quand on veut aller faire un petit tour vers le Bassin, on a droit aux effluves nauséabondes bien avant de passer dans Biganos. Mais il y a pire.
Tout ça pour des intérêts privés.
 

 

 

• De l'odeur jusqu'à la pollution.
On connaît. On connaît tous l'odeur immonde de cette usine parfumée qui, depuis 1928 et par vent d'ouest, embaume toute une région.

  Eole était le dieu du vent.
Il répandait son souffle sur le Monde.
On ne sait pas s'il avait mauvaise haleine, mais la papeterie de Biganos, elle, devrait au moins consulter un dentiste ou mieux, un stomatologue, car les relents qui s'en échappent frisent parfois le difficilement supportable.
 

 

 

Quand des intérêts publics sérieux et nécessaires abiment un endroit, c'est déjà difficile à avaler, mais quand il s'agit de groupes industriels qui font de l'argent en détruisant tout ou partie du bien-être des locaux, c'est insupportable.
La Smurfit Kappa Group, ce serait 12 milliards de chiffre d'affaire en 2022, par exemple. Ah oui, quand même.
Et pour tous ceux qui ont le plaisir très fréquent de renifler l'odeur de chou pourri (le méthanethiol), c'est 12 milliards de jurons qui ne résoudront malheureusement pas le problème.

Donc, au final une seule usine sur une seule commune emboucane des dizaines de communes et des milliers et des milliers de gens depuis un siècle.
Beau bilan. Respect. Médaille d'or.

Car l'odeur est insupportable et elle va se promener loin, très loin. Comme dit plus haut, on parle du vent d'ouest, et il est possible de sentir cette odeur de chou jusqu'à 30 kms.
Ça pue, ça pue et ça pue et quoi que l'on en dise, les gens ne s'y font pas.

 

 

Comme nous sommes des gens très sérieux et qu'en plus on aime bien les croissants, nous nous sommes arrêtés les acheter à Biganos. Cela nous a permis de demander dans la rue l'avis des habitants concernant la papeterie, tout en se gavant de calories trop bonnes.

La question posée était toute simple : "Que pensez-vous de la présence de l'usine dans votre commune ?".

32 personnes ont répondu et trois ont essayé de nous voler notre croissant.

• Non.
Sur les 32, 25 nous ont dit haut et fort qu'on ne se faisait jamais à l'odeur et qu'ils n'étaient pas contents qu'une telle usine soient présente à côté de chez eux.

• Oui.
5 nous ont dit que la papeterie c'était très bien, car ça crée de l'emploi.

• Autre.
Une autre personne nous a indiqué que l'odeur n'était pas un problème, mais qu'un éventuel accident comme en 2012 l'inquiétait toujours beaucoup. S'abstient.

Enfin, nous avons gardé le meilleur pour la fin : dans un discours un peu confus, mais très ferme, un vieux monsieur vraiment gentil nous a expliqué sérieusement que l'odeur de choux pourri était en fait très bonne pour la santé. Au bout d'environ une minute et 10 secondes, nous ne comprenions plus rien à ses arguments.
Peut-être adorait-il le chou ?
Ou nous embrouillait-il avec beaucoup de malice ?

 
     

 

 

Mais s'il n'y avait que ça...
Parlons maintenant d'accident industriel. Si, si. Ça, C'est du précis et du concret.
Ça a montré d'une façon éclatante que les paroles rassurantes et les soi-disants contrôles concernant la gestion des risques sur le site ne suffisent pas, loin de là.

   
 
Ces deux photos n'ont apparemment rien à faire ensemble ? Si, car l'on parle de deux endroits qui se côtoient.
Image NON générée par une I.A.
 

 

 

• Badaboum.
Le jeudi 05 juillet 2012, un accident industriel majeur survient à l’usine. Une cuve métallique de 5000 m3, la RC15, remplie d'un liquide corrosif éclate. Une partie du contenu, un joli liquide bien noirâtre, se répand et passe tranquillement par dessus les installations de sécurité, puis s'écoule peinard dans le ruisseau du Lacanau, puis dans la Leyre. Tout est saccagé, eau, animaux, flore, avec les classiques photos bien traumatisantes de poissons qui font la planche.
Ça révolte, c'est révoltant.

  A l'époque, dans le coin, ça met une grande gifle
à tout le monde.
Les particuliers et les professionnels commencent à saturer sévère.
Ils refusent que
de si beaux et uniques endroits continuent à être le vide-ordures d'un groupe industriel un peu sans-gêne qui salope les environs.
     
  "Comment faire confiance à une entreprise qui a déjà été condamnée ?
Est-ce que ce que l'on respire est tout le temps si anodin que ça ?"
 
     
   
     

 

 

Ils souhaitent donc qu'avant de redémarrer l'usine, certaines conditions environnementales soient installées.
Mais ça, c'est dans les rêves, car le sous-préfet permet à l’usine de rejeter au wharf 50 000 m3 de la liqueur noire avec un rapport de dilution de 9 pour 1. C'est donc 450 millions de litres d'un mélange bien polluant qui vont se déverser dans l'océan.

Puis l'usine repart, et voilà. L'Etat en a décidé ainsi, circulez, il n'y a plus rien à voir.
Malgré tout, plus tard, l'usine sera condamnée (voir encart "Jugé !").

Quoi qu'il en soit, il faudra se rappeler de ce mot : CORROSIF.
Et surtout : "Comment faire confiance actuellement à une entreprise qui a déjà été condamnée ? Ce que l'on respire est-il si anodin que ça ?"
Certes, il y a des filtres, et tout est surveillé. Parfait, mais en 2012, tout était soi-disant contrôlé, non ?


Jugé !

 

A l'époque, les conclusions d'experts judiciaires relèvent que la cuve datant de 1974 (!) était remplie à un niveau jamais atteint. Pire, à la base, elle était destinée à servir à entreposer du fioul, et enfin plus de la moitié de l'épaisseur était corrodé.

  Pour bien empaqueter le tout, il avait été préconisé par un organisme de contrôle indépendant sa mise en arrêt dès 2008.

La papeterie de Biganos est donc passée devant la Justice et, au bout du compte, a été condamnée en appel en 2015, après avoir ferraillé pendant 3 ans pour échapper à toute condamnation. Victoire ? Bof.
Car la dizaine d’associations qui avaient réclamé en tout près de 1,3 million d’euros à l’industriel pour les dégâts causés n'en toucheront qu'une très infime partie.

 
     

 

 

• Pour tout vous dire...
Pour tout vous dire, les enjeux sont à étudier, et ne sont pas si clairs que ça.
Le bassin d'emploi, par exemple.
Entre 250 et 400 employés travailleraient à l'usine. En fait, ce n'est pas énorme, au vu des nuisances occasionnées par cette papeterie.
Si toutes les entreprises de 400 employés altéraient autant le quotidien d'un si grand nombre d'individus, ça se saurait et la Terre deviendrait définitivement invivable.

Car est-on capable de chiffrer ce que cette implantation fait perdre au tourisme ? A l'immobilier ? Au dynamisme de la zone ?
Si vous consultez les réseaux sociaux ou les forums concernant l'habitat à Biganos, ce souci revient constamment sur le tapis quand des gens posent des questions sur le fait de s'installer à Biganos. La réponse sera toujours la même réponse :
"Ça pue, ça pue et ça pue".

Au fond, la ville de Biganos y gagne t-elle tant que ça, tous les employés n'étant pas des habitants ? Car cette image de lieu qui empeste lui colle à la peau d'une façon un peu humiliante.

Cette usine aurait pour elle cette fameuse "antériorité" car elle était là "avant" (voir les limites dans l'encart, en bas de page). Avant quoi ?
L'antériorité, ça veut dire : "Si ça ne vous plaît pas, ne venez pas ici"... C'est vrai, ça, mais l'antériorité de polluer olfactivement une immense zone quand la papeterie a été créée, alors que des gens y habitaient déjà, ils l'avaient aussi ? Non.

Et comme tous les arguments sont bons, même les plus étonnants, on peut lire parfois que "cette usine est nécessaire pour bien gérer la forêt". Celle-là, il fallait la faire.

Ajoutons enfin que des recherches sur Internet montrent :
- soit que la Smurfit dispose d'un excellent service de presse,
- soit que la plupart des médias locaux sont très complaisants envers cette papeterie, car on y trouve essentiellement des articles énamourés sur l'intérêt de visiter l'usine, ses splendides installations, etc, etc. Blablabla.

Quoi qu'il en soit, la papeterie n'est pas prête de fermer ses portes, la Smurfit y multipliant d'énormes investissements depuis de nombreuses années.

Et ça continue de puer...


 

"L'antériorité" ?

C'est l'idée selon lequel on n'a pas le droit de se plaindre si on vient s'installer dans un endroit où l'on sait (ou pas) que des nuisances précises existent. Une loi de décembre 2023 confirme tout ça en enfonçant le clou.

Il y a juste un petit hic que les tribunaux auront probablement à trancher souvent, ce qui prendra des années pour chaque cas litigieux.
Ce petit hic, c'est celui-ci : et si la nuisance évolue négativement, mine de rien ?

Prenons un exemple. Vous venez habiter à côté d'une société, une usine, une exploiation qui crée des nuisances (bruit, odeur, circulation, etc...). Vous ne pouvez rien dire.
Soit.
Mais si cette société évolue et crée de plus en plus de nuisances, plus que quand vous êtes arrivé ?

En d'autres termes : avec une entreprise comme la papeterie de Biganos, le trafic s'est-il intensifié, l'usine s'est-elle agrandie, les odeurs se sont-elles accrues au fil des décennies ? Autant de réponses que nous n'avons pas, mais ces questions sont intéressantes.

Cela pose les limites de cette fameuse antériorité.

 
   
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