De Giscos à Luxey et de Bazas à Hostens :
le monde des vide-greniers, une autre planète !
 
 

La planète Videugreunié
(Image NON générée par une I.A.
)

 

 

Le monde des vide-greniers, c'est une planète à part. Disparus bien par force lors du confinement, la reprise a été laborieuse, mais depuis deux ans, c'est tout bon et en général, dès fin avril, ça repart sérieusement. Les visiteurs s'y bousculent, ça occupe la demie-journée, surtout si le soleil est de la partie.
Voyez vous-mêmes.

• Entrez, entrez et scrutez :)
Il est onze heures du matin et des gens de tous âges et de toutes conditions déambulent, l'air grave et méfiant, voire même sournois, devant des étals proposant parfois des vieilleries sans nom, mais "tu vois, Martine, je ne voudrais pas rater une bonne affaire".
Derrière les tables posées sur des tréteaux, ou à même le sol, d'autres gensses les regardent, parfois avec un air de snoopy dépressif qui fait pitié, parfois avec un sourire aguicheur, genre "la bonne affaire que tu cherches, c'est là, mon lapin..."
Par définition, la bonne affaire pour l'acheteur, c'est de toute façon quelque chose dont le vendeur a affiché un prix trop bas, tant pis pour lui. Et pour le vendeur, une bonne affaire, c'est d'empocher des billets pour un objet qui ne vaut en fait que la moitié du prix de la vente, et hop, bonne journée.

 
Les BONNES affaires
 
 

Au fond, les bonnes affaires existent-elles vraiment ? Les vide-greniers ne sont-ils pas pour les vendeurs l'ultime recours après avoir essayé de vendre leurs objets sur Le Bon Coin ?
Ce serait oublier un peu vite tout le folklore et la convivialité attachés à ce genre de manifestations.

De plus, oui, de bonnes affaires peuvent se produire. Comment ne pas être envieux de cet acheteur qui, à Sore, a pu acquérir pour 25 € des dizaines de mèches en état provenant du départ à la retraite d'un plombier, qui n'hésitait d'ailleurs pas à raconter des tas d'anecdotes sur son métier, semblant déjà le regretter...

Comment ne pas jalouser ce musicien qui a acheté 50 € un synthétiseur vintage poussiéreux et recouvert de crottes de moineaux, mais qui sera côté plus de 1200 €, deux ans après ? Il n'avait même pas pu l'essayer sur place et... joie, une fois rendu à la maison, après un peu de nettoyage et de remise en état avec une bombe pour contacts électriques, il fonctionnait !

Et même. Même.
Même si vous ne faites pas de bonnes affaires, les magnifiques petites haltères dont vous ne servirez jamais, achetées à cette association caritative, permettra d'aider des personnes en difficulté.
Ça valait donc le coup, et puis, n'est-ce pas, n'hésitez pas à changer de bord et à participer au prochain vide-greniers pour revendre vos haltères.

 
     

 

 

Pourtant, malgré les mauvaises affaires toujours possibles, le public est heureux, l'air est au plaisir de se promener le nez au soleil, au plaisir de rencontrer des connaissances dans les allées, au plaisir de discuter les prix, au plaisir de repartir avec un machin que c'est peut-être une fouine empaillée qui perd ses poils mais pas sûr, de toute façon, elle a de la gueule, je te jure.
D'ailleurs, tel qui est acheteur deviendra peut-être vendeur demain pour refourguer ce qu'il a acheté deux mois plus tôt, vu qu'il n'y a pas assez de place dans le salon pour y poser la magnifique soupière colombo-autrichienne qui pèse un âne mort, en plus.

  Famille de rabots
avec leur bébé rabot. En vente dans un vide-grenier.
Pas de vente à l'unité.
(On a du cœur ou en n'a pas !)

Image NON générée par une I.A.

 

 

• On y trouve de tout. Peut-être.
De Giscos à Hostens et de Bazas à Luxey, vous trouverez de tout dans les vide-greniers.
Enfin, non, pas vraiment.
Mais... vous aurez arpenté longuement une fois de plus une planète incroyable, ce qui est très bon pour le cholestérol, si bien sûr, vous n'abusez pas trop devant le stand de ventrèche-frites et "il vous reste du pastis landais pour le dessert ?"

En ce qui concerne les vide-greniers dont on parle ici, vous êtes dans les pins (ou bien pas très loin des pins), et donc vous dénicherez forcément des outils de résiniers landais. Mais sachez que leur côte a baissé depuis le Covid, tout comme les balances vintage avec leurs poids assortis en laiton bien nettoyé.
Le hapshot et l'écorçoir se sont dévalorisés, et même le rabot de menuisier a perdu de son attrait, la vie avance, les modes changent.
Roues de charrette et horloges comtoises, vous valiez très cher, ne pleurez pas, vous reviendrez sur le devant de la scène dans quelques décennies.

   
 

L'histoire se passe avant le Covid, dans un vide-greniers à Sabres, dans les Landes. Une magnifique lampe avec son abat-jour est en vente dès 9h du matin. Le prix ? 5 €.
Dérisoire, car apparemment, il s'agissait malheureusement de ventes d'objets après un décès et il fallait vider la maison.

Une dame bon chic, bon genre, se présente devant la lampe, la tourne et la retourne, puis elle demande au vendeur si la lampe fonctionne. Pendant qu'elle parle, une autre dame, une sosie de Maïté, empoigne la lampe et dit au vendeur qu'elle connaît, apparemment : "Je te la prends, André, elle est belle !" et pose un billet de 10 € sur la table. L'autre dame, ulcérée, empoigne à son tour la lampe en affirmant qu'elle était là avant.

Que pensez-vous qu'il se passa ? La lampe glisse des mains des belligérantes, tombe et le pied en porcelaine se casse. Les trois acteurs de ce sketch en restent un peu interdits.
Puis la seconde dame, grande seigneuresse, déclare tranquillement : "Garde le billet, André, il ne me fera pas vivre plus longtemps.", et elle s'en va.

Madame bon chic, bon genre, vexée devant les quelques personnes qui se sont attroupées, sort alors un autre billet de 10 €, le pose aussi devant le vendeur, et se dirige vers le parking, la tête haute et les joues enflammées.

Le vendeur fut enchanté de sa vente et récupéra même les morceaux de la lampe, on ne sait jamais.

 
     

 

 

Par contre, ce que vous apercevrez forcément dans tous les vide-greniers (d'ici et d'ailleurs), ce sont les DVD, l'ancestrale cassette vidéo ayant définitivement disparu depuis longemps. Mais voilà, le DVD commence à avoir lui aussi du plomb dans l'aile et ne se vend plus guère, comme nous le disait le jovial commerçant d'un jour à Louchats. Mais comme il vendait aussi des vêtements, il ne s'inquiétait pas franchement, car les habits, ça marche !

Des Teddies en molleton aux petites chaussures trop miiignnôôônes pour les tout-petits, des grandes robes en lin-polyester aux petites culottes ayant peu servi (véridique !) pour Madame, des bretelles américaines aux vieilles vestes en cuir défraichies mais trop classe pour Monsieur, souriez, le bonheur est à portée de mains.

 

 

 

• Il s'y passe ça et ça.
Dans un vide-greniers, on voit de tout.
On peut écouter discrètement un acheteur en train de négocier férocement avec un vendeur pour 1 €, c'est une affaire de vie ou de mort, voire de prestige personnel.

Parfois, il pleut et comme c'était plus ou moins prévu, le vide-greniers se fera dans une salle, de taille variable avec des moments d'intense solitude quand, une fois rentré dans la salle, tout mouillé, vous vous apercevez qu'il n'y a que 4 ou 5 vendeurs qui s'ennuient à mourir et entament une dépression tellement insidieuse qu'il faudra pour la repousser sans pitié, un très bon repas chaud le soir venu, à base de lardons et de gésiers de canard, si possible.

C'est aussi un endroit où, très souvent, vous ne pourrez pas essayer les appareils électriques et acheter cette vieille scie circulaire tient du pari. Ça fait partie du jeu, comme à l'Euromillion, adrénaline assurée.
C'est aussi un endroit où, les trois-quarts du temps, les prix ne sont pas affichés, ce qui oblige le chaland à demander le prix et qu'il n'ose pas faire parfois, de peur de s'embarquer dans un achat un peu forcé, si le vendeur a du bagout.

 

Vies de greniers

L'un des plus anciens vide-greniers de France est la réderie d'Amiens qui est née fin 18ème, début 20ème siècle. Elle existe encore et c'est même une très grosse manifestation.
(Amiens, c'est un peu plus loin que chez nous, après Langon, au moins).

Tout le monde a aussi entendu parler de la Braderie de Lille, qui tirerait son origine d'une grande foire des années 1100, ce qui ne nous rajeunit pas.

Il est dit parfois que tout ça remonte en fait au 15ème siècle. A l'époque, les domestiques lillois avaient le droit de vendre, entre le coucher et le lever du soleil, les vieux habits et autres objets quotidiens de leurs maîtres (oui, la TV Oled aussi).

Les tailles des vide-greniers peuvent aller de l'immense à la minuscule, surtout en saison pluvieuse. Parfois de tous petits villages accueillent de très gros vide-greniers, comme à Lüe, dans les Landes, par exemple. Le promeneur un peu dérouté s'y perd un peu, ne sait plus quoi acheter, et s'épuise intensément, avec des ronds rouges devant les yeux, vu qu'il trimbale avec lui deux pneus en parfait état négociés dès le début de la journée. On le retrouvera plus tard dans un coin, épuisé, endormi sous ses pneus.

 
     

 

 

Vous y trouvez toutes sortes de vendeurs, comme ces semi-pros drogués de la vente avec une table exposant des centaines d'objets briqués et artistiquement déposés qu'ils changent de place constamment avec amour comme pour prendre leur pouls.
Vous négocierez avec des enfants chapeautés par leurs parents qui vendent leurs jouets et sont aussi âpres au gain que des adultes, les souvenirs ayant un coût difficilement évaluable, mais on les comprend.
Vous regarderez sans trop ralentir et avec un peu de tristesse les quelques "rougnes" disposées sur une couverture posée à même le sol par un monsieur qui ronfle déjà sur sa chaise, comme s'il n'y croyait pas lui-même.

Enfin, souvent, vous entendrez des retraités, vendeurs impénitents, s'interpeller d'un stand à un autre, avec une convivialité et une bonne humeur non feintes ; ils font tous les vide-greniers, se connaissent tous et pour eux, ce sont des moments de joie et de bonheur tranquille, la preuve, le pastis tourne déjà en attendant le casse-croûte de midi.

 

   
 

La scène se passe à Hostens. Grand soleil avec un peu d'air, midi s'approche, tous les visiteurs déambulent le sourire aux lèvres, la vie est belle.

Deux touristes anglais, que nous appellerons par commodité les Booth, ont découvert avec émotion la reproduction d'un petit tableau qu'ils connaissent bien, affiché à 15 €.
Nul ne sait si c'est pour le mettre dans leur camping-car, mais ils le veulent.
Mister Booth sort une carte bleue de sa pochette, style Mastercard et attend. Le vendeur, que nous appellerons Maurice, toujours par commodité, essaie alors d'expliquer au couple que "non, on ne prend pas les cartes bleues, faut pas pousser Mémé dans les orties, non plus !"

Maurice ne parle pas anglais et les insulaires baragouinent un français incompréhensible venu du fond des âges, mélangé à de l'espagnol et de l'allemand, mais, à force de gestes, on finit par se comprendre.
Agacement de Miss Booth qui fouille dans son sac et sort un billet de 100 €. Nouveau refus.
Miss Booth qui tient déjà le tableau dans ses mains et ne compte apparemment pas le lâcher, commence à trépigner. Son mari fonce au distributeur à côté de La Poste, mais il est hors-service.

Que faire ? Miss Booth tend le tableau à son mari, s'en va et revient très vite avec une bouteille neuve de Whisky prise dans le camping-car qu'elle tend à Maurice.
C'est un langage universel et l'échange a lieu sans plus tarder.

Le Brexit a été surmonté, le soleil continue à briller, la vie continue à être belle.

 
     
   
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